Elle n’était pas habituée à entendre blaguer au sujet du cancer. Elle n’était même pas habituée au cancer.
Eva WOODS
Vous vous souvenez ? Mon dernier billet vous parlait d’octobre rose. Eh bien aujourd’hui, je voudrais vous parler de deux livres que j’aime beaucoup et qui abordent avec justesse ce sujet si sensible qu’est le cancer.
Cancer, ce crabe à l’étreinte mortelle
Mettons-nous d’accord tout de suite : lire une histoire parlant du cancer ne figure pas dans le top de mes petits bonheurs quotidiens, bien au contraire. D’autant qu’en général, plus le sujet est jeune et plus la tumeur est agressive. Rien de tel alors pour hurler sa rage impuissante à la face du monde, n’est-ce pas ?
Mais se plonger dans ce type de récit est aussi une façon de ne pas oublier la chance que l’on a quand on est en bonne santé, que le bonheur il faut le vouloir et savoir le saisir lorsqu’il est encore temps. Parce qu’on a beau être un battant, parfois le crabe est plus fort.
Octobre rose est là pour nous sensibiliser au cancer du sein et je souhaite parler ici de n’importe quel cancer. Vous savez, cette pu…ain de maladie qui fait que vous ne reconnaissez plus vos proches à la fin. Cet intrus qui vous laisse désemparé devant un corps décharné par la souffrance, ce mal qui s’impose et vous rend muet parce que vous ne pouvez imaginer ce que subissent ces personnes malades que vous aimez et parce que c’est quelque chose que vous ne savez pas combattre. Certes, le cancer n’est pas systématiquement mortel mais il est parfois difficile de positiver ou de trouver les mots pour accompagner ceux qui souffrent.
Comment faire en sorte que le sujet ne soit pas tabou ? Comment l’aborder avec la personne concernée ? Comment lui faire comprendre qu’on est démuni mais prêt à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour l’aider au mieux ? C’est très difficile à appréhender comme situation, d’autant que cela nous renvoi à notre propre fragilité humaine.
Je ne me permettrai pas de donner des conseils sur comment gérer sa maladie ou celle d’un proche mais je peux vous présenter des livres qui vous mettent sur la voie. Deux en particulier m’ont beaucoup marqué.
« Alors vous ne serez plus jamais triste » de B. BEAULIEU.
Pour commencer, qui est Baptiste Beaulieu ?
Un médecin généraliste français qui s’est fait connaitre avec son blog Alors Voilà. Mais aussi un humaniste et prodige de l’écriture, un homme avec une sensibilité empathique et une vision de scientifique. Quelqu’un marqué par ses rencontres et sa vie privée. Le tout nous donne une plume juste et émouvante que j’ai découverte avec son livre Alors vous ne serez plus jamais triste.
Dans ce roman nous suivons le chemin de croix d’un médecin n’ayant plus aucun goût à la vie depuis que le sens de celle-ci l’a quitté. Déterminé à se suicider, il rencontre une vieille dame excentrique qui lui demande de lui accorder sept jours. Sept jours de délai afin qu’elle emploie ce temps-là pour le convaincre qu’il a la vie devant lui et surtout, que la vie est belle même si elle est parsemée d’épreuves douloureuses. C’est la rencontre de deux visions opposées, de deux êtres différents mais surtout la confrontation de la vie et de la mort. Je ne vais pas spoiler (je déteste ça !!) mais le récit évoque le cancer. Celui qui condamne, celui qui ne se guérit pas, celui que nous devons accepter avec sa date d’échéance qui approche irrémédiablement.
Il y a dans ce magnifique texte de Baptiste Beaulieu des réflexions tellement justes qu’elles pourraient faire de parfaites punchlines dans la vie de tous les jours. Voici mes six préférées :
- « Je ne cède pas à mes envies, je m’en débarrasse ».
- « À mon âge, on ne se maquille pas pour plaire, on se maquille pour ne pas déplaire ».
- « L’espérance de vie que les médecins vous ajoutent d’un côté, ils vous la rognent de l’autre dans leurs salles d’attente ».
- « Votre femme vous manque. Mon mari me hante. Tous les silences ne font pas les mêmes bruits ».
- « Avouer à haute voix la mort de quelqu’un qu’on aime, c’est comme tuer la personne une seconde fois ».
- « Nous ne pouvons pas comprendre le lien indéfectible que nouent les gens malades entre eux… Nous ne le pouvons pas, car nous avons du temps, des secondes, des minutes et des heures… Parce que nous sommes ceux qui restent quand la maladie passe ».
Cela m’a donné envie de découvrir ses autres romans qui sont bien au chaud dans ma PAL et je vous invite vivement à découvrir cet auteur contemporain.
« 100 jours pour être heureux » d’E. WOODS.
Derrière le pseudonyme d’Eva Woods se cache Claire McGowan, une romancière anglaise également enseignante.
Sans tomber dans le pathos excessif ou inventer des évènements abracadabrants, l’auteure arrive à nous emmener dans l’univers si particulier de Polly. L’exubérante Polly, jeune fille extrêmement mince, aux accoutrements très colorés et toujours souriante. Jeune effrontée qui dit ce qu’elle pense et fait ce qu’elle veut parce qu’elle a une tumeur au cerveau fulgurante. Une espérance de vie estimée à trois mois pour être exact. Mais Polly est décidée à prouver qu’elle peut finir sa vie heureuse, que n’importe qui d’ailleurs peut devenir heureux en 100 jours.
Vient alors le défi de rallier Annie à sa cause : une jeune femme dépressive qui survit dans l’ombre de son passé douloureux. Ayant perdu ce qui la faisait avancer, Annie attend que le temps passe dans son monde morne où tout lui est égal. Elle ne s’occupe plus ni d’elle ni de sa vie et son moral descend encore plus bas face à sa mère atteinte de sénilité. Contre toute attente une véritable amitié va se créer entre elles… jusqu’à la fin.
100 jours pour être heureux évoque avec subtilité le déni de la maladie, l’espoir, mais surtout la fameuse question existentielle qui accompagne toute condamnation : qu’est-ce que c’est finalement le but de notre vie ? Quel est le sens de tout cela si c’est pour finir ainsi ? Là où la mort fauche au hasard même les plus jeunes, nous passons du rire aux larmes au fil des pages.
Je vous laisse ici aussi mes six extraits préférés :
- « Si vous voulez l’arc-en-ciel, il faut accepter la pluie ».
- « Mettre sous tutelle une personne âgée se résumait plutôt à lui attraper les mains et à les lui lier dans le dos avant qu’elle ne se fasse du mal ».
- « Ne sois pas ton pire ennemi, Annie. Il y a suffisamment de gens autour pour ça ».
- « Peut-être qu’il n’est tout simplement pas possible de vivre en ayant conscience en permanence qu’on va mourir. Ce serait difficile de se motiver pour laver la cuisine et ce genre de truc ».
- « L’espoir quand vous le laissiez germer en vous, n’était qu’un sale petit enfoiré ».
- « Elle n’était pas habituée à entendre blaguer au sujet du cancer. Elle n’était même pas habituée au cancer ».
Ces deux romans sont des œuvres de fiction mais si vous préférez de vrais témoignages, il existe une multitude de récits autobiographiques. Écrire sur son combat contre la maladie fait en effet partie de la thérapie. Il y a par exemple Journal d’un crabe intime, de Muriel Joly qui raconte la maladie du côté de ce saleté de cancer justement. Dans tous les cas, il est important de prendre de temps en temps un moment pour se recentrer sur l’essentiel et relativiser son soi-disant malheur.
Sur ce, prenez soin de vous et n’oubliez jamais : la vie a le sens qu’on veut bien lui donner. On ne choisit pas toujours son chemin mais on peut choisir avec qui l’effectuer…